De l'usage fallacieux de l'histoire

Publié le par PEG


 

 

Le retour aux années 30, c'est l'idée générale que développe la presse en ce moment (quand elle ne parle pas de la Révolution...). On serait donc revenu au temps des ligues, de la crise économique de 1929, du fascisme et j'en passe et des meilleurs.

Doit-on voir en François Hollande le nouveau Léon Blum? Voilà une perspective réjouissante que personne n'a encore souligné. Après tout on ne serait plus à un parallèle stupide près.

Mais c'est là une marotte journalistique régulièrement agitée. Il suffit pour s'en convaincre de lire la presse au moment des problèmes monétaires et économiques du milieu des années 1980 (avec déjà la gauche au pouvoir) pour s'en convaincre.

Que la droite s'empare de ce thème et l'agite comme un chiffon rouge (ou marron?) n'est même pas surprenant, c'est régulièrement un des moyens rhétoriques qu'elle utilise pour délégitimer la gauche au pouvoir. On ne s'étonnera pas de voir refleurir dans quelques temps les fameux: "mais ce sont les élus du Front Populaire qui ont voté les pleins pouvoirs à Pétain" ou encore "comme d'habitude la gauche au gouvernement entraîne la panique des marchés" et autres.

Il y a sans doute dans ces références perpétuelles à l'histoire un besoin de se rassurer, de croire qu'en comparant on va pouvoir trouver la solution miracle. Position que je ne désavoue pas. Je crois qu'en effet on peut trouver des similarités, et tirer des réflexions de la "concordance des temps" comme dirait un de mes maîtres. Néanmoins, ne risque-t-on pas aussi, en jouant à se faire peur, de créer une prophétie auto-réalisatrice? Plus probablement, ne risque-t-on en allant chercher des recettes du passé de s'empêcher de trouver celles qui peuvent répondre au temps présent?

Commençons par la crise économique, celle que nous connaissons, une crise de l'économie financiarisée et dématérialisée n'a pas grand chose à voir avec la bulle spéculative de 1929. Les conséquences sociales sont certes similaires: chômage, fermetures d'entreprise, mais nous sommes plutôt ici dans la lignée de la crise qui nous touche depuis maintenant 40 ans et d'une concurrence exacerbée avec le reste du monde. Autant l'après-guerre nous a ramené une croissance décuplée, autant j'ai peu d'espoir que dans dix ans la France atteigne 5% de croissance.

Va-t-on vivre le retour des ligues factieuses? Ce n'est pas parce que quelques skin heads font leur retour au premier plan qu'il faut pourtant croire au retour des ligues. Celles-ci étaient un phénomène massif (qui n'était d'ailleurs pas propre à la droite), lié aux modes de socialisation de la Première Guerre mondiale (ou sont nos anciens combattants?).

Certaines de ces ligues avaient réellement l'intention de renverser la République, et se proclamaient fascistes (comme le Faisceau).  Le 6 février 1934 marque la tentative de marcher sur le Palais Bourbon symbole principal du pouvoir à l'époque, rien de tel à l'Elysée ces derniers jours.

Enfin pas d'attentats ni de "Cagoule" en  ce moment à Paris.

Il faut ainsi se méfier des parallèles rapides. Dans les années 1930, la République était vraiment menacée et une frange de la population, certes marginale, avait pour ambition de la renverser. Rien de tel en 2013, où celle-ci fait largement consensus (même si c'est un consensus mou) y compris chez les manifestants anti-Mariage pour tous. Il faut plus y voir une réaction conservatrice face à la modernité et aux évolutions sociales, qu'un néo-fascisme.

Si la droite se discrédite en appelant à une crise de régime, pourquoi se discréditer aussi en agitant le drapeau noir des années 1930?

 

 

 

 

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